Ça y est le voilà enfin ce premier album de
Karry ! En effet, c’est en 2008 que j’ai découvert ce groupe grâce à la
bienveillance de l’administrateur de ce vénérable site et à l’époque, 4 titres
sur le MySpace avaient suffit pour remporter mon adhésion et m’inciter à me
procurer dès sa sortie le premier CD du groupe.
Karry, à l’instar de Dokken, porte le nom de son leader : Karine "Karry" Frassineti.
La demoiselle étant entourée de son frangin Franck ainsi que de Lionel Wernert
(guitares), de Alain Esteban (basse) et de Vincent Laurent (batterie), trois
musiciens bercés par le (hard) rock symphonique.
Karry, c’est un heavy symphonique et mélodique qui tend à se rapprocher d’un
groupe tel que Evanescence.
En effet, la voix de Karine n’est pas lyrique et c’est ce qui donne une
personnalité toute particulière au combo, tantôt rageuse ("Encore un instant"), tantôt remplie d’émotion parfois jusqu’au chuchotement ("Tout va bien"),
son organe fait des merveilles d’autant plus que les textes des chansons sont
somptueux.
Tour à tour sombres ("De toute façon"), poétiques ("Encore un instant"
version bonus), froids de réalisme ("Naître humain"), mélancoliques ("T’as
peur"), porteurs d’espoirs ("Tout va bien") ou tout simplement
remarquablement construits ("Le test-amants"), ils révèlent la qualité
d’écriture d’une artiste complète qui en plus compose aussi la musique en
pianiste aguerrie qu’elle est.
Car effectivement, si Karry c’est avant tout une voix magnifique, c’est aussi
une musique somptueuse, très travaillée où les arrangements divers
(orchestrations, chœurs, narrations…) requièrent le plus grand soin et si la
jolie Karine attire forcément les regards, il ne faut pas pour autant minimiser
le travail de ses partenaires musiciens.
Parmi ceux-ci, Franck le frangin se révèle un arrangeur d’une exquise finesse, que sa
sœur n’oublie pas de remercier chaleureusement dans les crédits de l’album.
On soulignera également le travail de Lionel aux guitares et de la section rythmique
qui avec sobriété font montre d’une réelle efficacité pour soutenir et embellir
les morceaux.
L’album démarre de la plus belle des manières avec un triptyque constitué de
trois morceaux présents sur le MySpace depuis belle lurette et qui éveillent en moi de
jolis souvenirs : "Encore un instant", "T’as peur" et "Test-amants".
Et les nouveaux titres ne sont pas en reste. Le titletrack "Tout va bien", en
alternant passages calmes et moments plus violents (entrée en piste de la
guitare) met dans le mil.
Il en va de même pour "Sauvez moi" et
"Je t’envole" (qui figurait lui aussi
sur le MySpace en 2008) qui avec leurs refrains imparables et leurs remarquables
arrangements (orchestrations, chœurs grandiloquents) ne peuvent vous laisser
insensible.
Enfin, comment passer sous silence "Copie carbone", un titre superbe qui
propose un hard rock plus traditionnel (pas forcément symphonique) et un texte
sur l’affirmation de soi, symbole du caractère bien trempé de la chanteuse.
La chanteuse justement, parlons en. Les aficionados qui la suivent depuis le
début savent que Karine possède aussi une facette variété très prononcée que l’on
ne peut occulter.
J’en veux pour preuve ces reprises impressionnantes de qualité et d’émotion de
Daniel Balavoine, de François Feldman (sous le nom de Karine Trecy) ou encore de
Mike Brandt qui circulent sur YouTube. Cette dernière étant d’ailleurs réalisée
en duo avec Laam, dont le timbre de voix se rapproche très fortement de celui de
Karine, à tel point que sur certains chœurs de l’album ("Tout va bien") on
croirait entendre la chanteuse franco tunisienne œuvrer.
Car Karine a en effet eu une autre vie avant Karry et on ne tourne pas forcément
la page aussi facilement et certaines influences restent ancrées, expliquant la
tendance que l’on qualifiera, sans être péjoratif, de "grand public" qui
transpire tout au long de l’album.
Ainsi des titres tels que "Give me a chance", la power ballade "Naître humain" (avec là encore un texte très fouillé) et plus encore un
"Perle et coquillage" qui fera s’étrangler plus d’un hardos conservateur (à moins qu’il ne craque
devant le regard de braise de Karine) sont autant de titres qui pourraient passer
sans aucun problème sur la bande FM entre Jennifer et Céline Dion.
Mais attention, cette facette est pleinement assumée par la bande et j’en veux
pour preuve la reprise du "Russians" de Sting, un titre qui n’a strictement
rien à voir avec le monde du métal et qui symbolise aussi tout le courage de Karry, car pour s’attaquer à un tel monument, qui plus est chanté à l’origine par
un homme, il faut un certain cran.
Et honnêtement, la prise de risque s’avère payante (même si l'on n’atteint pas ici
l’intensité de l’originale) d’autant plus que Lionel vient apposer un joli solo
de guitare qui permet définitivement au groupe de s’approprier ce titre.
Enfin, le côté variété ouvre au groupe d’autres territoires musicaux et lui
permet comme sur "De toute façon" de mêler habilement heavy, variété et rap (featuring
M.I.T.CH.) pour un métissage qui s’avère au final plutôt savoureux.
Vous l’aurez donc compris, cet album ne peut être envisagé comme un album de
heavy metal symphonique à part entière et il n’est pas possible d’en occulter le
côté "grand public" fruit d’une première vie artistique de Karine Frassineti.
Cependant, cette tendance engendre quelques belles réussites qu’une restriction
au cadre purement stylistique du heavy metal n’aurait pas autorisée.
A l'instar d’un Renaud Hantson, Karine a deux amours, le rock symphonique aux
arrangements subtiles et la variété classieuse. Sauf qu’à la différence du leader
de Satan jokers, elle a choisi de ne pas séparer ses deux carrières et de faire
cohabiter ces deux genres sur un même album.
Le résultat, c’est un CD qui a parfois le cul entre deux chaises et qui risque
de rebuter les partisans des deux mouvances, mais d’un autre côté, c’est ce
mélange des genres qui fait à mon sens tout le charme et l’intérêt de cet album
et lui permet d’accrocher l’auditeur.
"Tout va bien" est pour moi une franche réussite. Il constitue l’album idéal
pour s’octroyer une respiration entre deux écoutes de hard rock virulent.
Bien sur, une certaine ouverture d’esprit s’impose, mais un peu de douceur dans
ce monde de brutes ne peut qu’être salutaire. Un peu de poésie nom de Dieu ! |