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Voici une interview de Alain
Ricard, du label Brennus Records.
Interview réalisée en Avril 2002 par
Taranis,
du site Les Fils Du
Métal, et diffusée ici avec son aimable autorisation. |
Pour commencer, peux-tu nous dire comment t'es venue la passion pour le metal et
surtout pour le metal français ? |
C'est une bien "vieille" histoire... qui remonte à quelque chose comme 1971. Je
découvrais alors simultanément le Hard international et le Rock progressif
français et international (Alice Cooper, Deep Purple, Black Sabbath, Ange...).
Tout en écoutant aussi bien d'autres choses, j'ai immédiatement accroché sur ces
deux styles et me suis surtout axé dessus au fil des années. Cette passion s'est
développée en faveur des groupes français grâce aux concerts locaux que j'allais
voir de manière assez soutenue dès le milieu des années 70. |
Avant de lancer Brennus tu étais animateur d'une radio locale.
Racontes-nous... |
En effet. C'est même par là
que les choses on réellement débuté, après avoir développé mes "connaissances"
en matière de Rock et Hard français pendant les années 70. J'ai commencé à faire
de la radio sur les antennes "pirates" de la région parisienne dès 1979 - 1980 :
"Radio Ivre" et "Carbone 14" principalement. Puis je suis parti en (proche)
province en 1983 et ai collaboré à plusieurs radios "libres" dans l'Oise, la
Seine et Marne et enfin dans l'Yonne. Nous y avons ensuite créé, avec quelques
amis, notre propre radio (qui existe toujours, et sur laquelle le groupe KOROBOREE anime une émission hebdomadaire).
J'ai ensuite rejoint Radio Stolliahc
à Sens, chez qui j'anime une émission depuis 1990. |
Dans quelles circonstances est né le label Brennus ? |
Je recevais, en tant
qu'animateur radio, de nombreuses démos et quelques albums auto produits dans un
domaine musical qui était alors "pestiféré" : le Hard Rock mélodique ; du simple
fait de leur style musical "hors mode", ces productions, parfois excellentes,
n'avaient alors aucune chance d'arriver sur la platine d'un plus large public.
C'est ainsi qu'en 1994, je me suis lancé le défit de créer mon propre label pour
promouvoir, avec des moyens certes assez faibles et artisanaux, cette musique et
ses acteurs qui me tenaient tant à cœur. |
Pourquoi ce nom ? |
C'est en fait un double clin
d'œil à mes régions d'origine et d'adoption : BRENNUS fait référence au rugby
"bouclier de Brennus" qui est principalement un sport du Sud Ouest (dont je suis
originaire). BRENNUS était aussi le nom du chef de la tribu gauloise des Senones
(région de Sens dans l'Yonne, où je vis maintenant) qui est allé conquérir Rome
et qui, lors de sa victoire, y a prononcé la phrase "Vae victis" (d'ou le nom
des compilations du label). Je trouvais par ailleurs que ce nom était très
intéressant car court, sans aucune difficulté de prononciation dans quelque pays
que ce soit et surtout... un gaulois qui part à la conquête d'autres
territoires, c'est un peu ce que fait BRENNUS aux XXème et XXIème siècles. |
Quels sont les premiers groupes que tu as signé ? |
En fait, le premier qui a été
signé était ANYWAY, un groupe de Dijon que j'avais fait jouer dans un festival
que j'organisais alors chaque année dans la région ; mais le premier qui est
sorti a été le 1er Chris SAVOUREY (lui aussi installé dans l'Yonne à l'époque).
Il y a ainsi eu une sortie en 1994, deux ou trois en 1995 et je suis maintenant
arrivé à une vitesse de croisière d'une dizaine à une douzaine d'albums par an
(y compris quelques rééditions). |
Peux-tu nous parler des problèmes que tu rencontres pour faire rééditer certains
albums de metal français des années 80 ? Je pense notamment aux albums "Les
violons de Satan" de High Power, du dernier Warning etc... que certains fans
(comme moi) attendent avec beaucoup d'impatience... |
Il y a souvent deux cas de
figure en ce qui concerne les rééditions. Ceux produits par les groupes eux
mêmes et ceux qui l'avaient été par des producteurs ou maisons de disques. Pour
les premiers, il n'y a pas de problèmes de droits. Les groupes en sont les
détenteurs, mais par contre, les bandes ont très souvent disparu avec les années.
Nous sommes donc obligés de rechercher plusieurs exemplaires "neufs" du LP afin
d'en tirer un master (après décliquage) et de faire remasteriser le tout. Pour
les autres, les bandes sont assez souvent dans les "caves" des maisons de
disques mais par contre, ces dernières ne sont pas décidées à nous revendre les
droits d'exploitation... ou bien à des tarifs totalement exorbitants. Il peut
également arriver qu'un producteur accepte de nous vendre les droits, mais ne
soit pas en mesure de nous fournir le matériel (ce qui s'est passé avec les deux NIGHTMARE et le 1er DEMON EYES).
Nous recherchons alors un terrain d'entente
pour finaliser ces rééditions. Dans le cas du second HIGH POWER, le problème est
encore plus profond ; le producteur en veut une fortune, les bandes sont
entièrement à remixer et bien entendu à remasteriser et le groupe s'oppose, à
juste titre, à sa réédition avec le mixage du LP. Donc je crains que cette
petite perle, en termes de composition, du Hard Rock français, ne sorte jamais en
CD. |
As-tu des prévisions de rééditions pour l'avenir ? |
Sont presque bouclées, après
une multitude de problèmes pour l'un comme pour l'autre, le 2ème DEMON EYES
"Garde À Vue" et le 3ème ATTENTAT ROCK "Strike". |
Quels sont les critères ou les exigences qu'il faut pour qu'un groupe ai une
chance de signer sur ton label ? |
Les critères évoluent au fil
des années mais avec toujours deux grands axes : qualité des compositions et de
leur interprétation (même si, avec le recul, je suis obligé de constater
quelques petites erreurs de jugements dans mes signatures passées) et relations
humaines. Il est clair que bossant depuis huit ans bénévolement pour tous les
groupes que j'ai signé, je n'ai pas envie d'avoir à faire à des ingrats qui se
prennent pour des stars et attendent tout d'un label ; Il y en a bien eu
quelques uns, mais ils ont été assez rares. Si ils sont des stars (dans leurs
têtes), qu'ils aillent se faire signer sur une major, ou tout au moins tenter de
se faire signer... |
Brennus a la réputation de donner une chance aux groupes pour se faire
connaître. C'est pas un peu frustrant de les voir partir sur un autre label ?
Car après tout, tu es le premier à les avoir signé... |
A vrai dire, il y a toujours
(ou tout au moins, souvent) une petite part de frustration lorsqu'un groupe
passe "ailleurs" pour la suite de sa carrière, mais je n'ai pas l'habitude de me
prendre pour ce que je ne suis pas et si un groupe à l'opportunité de décrocher
un deal qui est sensé lui assurer une meilleure diffusion que ce que peut
proposer BRENNUS, je suis le premier à lui dire "fonce" ! C'est en même temps
une sorte de reconnaissance de mon travail de "découvreur", que de savoir que
nombre des groupes français actuellement signés chez NTS, Z Records
(Angleterre), MTM (Allemagne), Lion Music (Finlande), Napalm Records (Autriche),
Metal Blade (Allemagne), XIII Bis, Naïve, Wagram... ont sorti leur premier
album chez BRENNUS. |
A ma connaissance il n'y a que Killers qui est fidèle à Brennus, comment
l'expliques-tu ? |
Il y a parfois des choses qui
ne s'expliquent pas. Je pense que la confiance qui règne entre KILLERS et
BRENNUS depuis 1997 que nous bossons ensemble, n'a fait que s'accroître au fil du
temps... ajouter à cela les tempéraments très directs de Bruno et de moi même...
ceci explique sans doute cela. |
Quelle est ta façon de travailler avec un groupe une fois qu'ils ont signés ? |
Il n'y a pas de manière figée
de travailler. Si les grandes lignes sont les mêmes, beaucoup de choses peuvent
différer en fonction de l'accueil de l'album par les médias ou des
disponibilités et de la volonté d'aller de l'avant de la part de chaque groupe.
Il est clair qu'un groupe qui s'endort sur ses lauriers une fois l'album dans les
bacs ne recevra pas de ma part le même engagement en matière de temps et
d'énergie que celui qui n'aura de cesse que de faire parler de lui via concerts,
interviews, émissions de radio, etc... Distribuer un disque "hors mode" n'est
pas une chose aisée mais quand le groupe s'en fout royalement, c'est encore plus
difficile. La seule chose dont je ne m'occupe (pratiquement) pas, c'est la
partie recherche de concerts pour les groupes. Non que cela ne m'intéresse pas,
mais plutôt, que c'est un autre métier qui nécessite d'autres connaissances et
beaucoup de temps (ce dont j'avoue ne pas spécialement disposer aujourd'hui). |
La politique de certains labels est de faire beaucoup de promo. Brennus en fait
moins. Est-ce pour ça que tes CD sont moins cher ? |
Il est clair que tous les
coûts entrant en ligne de compte dans le calcul du prix de vente, de moindres
frais de publicité engendrent en partie un prix de vente plus raisonnable ; mais
c'est également de manière délibérée que je "surveille" mes prix afin que les
disques de groupes peu ou pas encore connus ne soient pas vendus au tarif
souvent exorbitant qui est pratiqué sur les albums d'artistes de renom. Le
disque est de toute façon trop cher en France. |
Peux-tu nous parler de toutes les étapes et les difficultés que doit passer un
groupe avant de voir son CD dans les bacs ? |
Là encore, les étapes ne sont
pas toujours les mêmes pour tous les groupes. Lorsque tout se passe pour le
mieux, un groupe, avec qui BRENNUS est en contrat, qui vient de finir la
production de son album, me fournit le master et les éléments graphiques du
livret et de la jaquette (parfois entièrement réalisés par nos soins, parfois
par les leurs) et le processus de fabrication ne prend alors qu'une quinzaine de
jours avant de déposer la galette dans nos lecteurs gourmands puis de la
commercialiser... ... mais quand cela se passe mal (c'est heureusement
extrêmement rare), comme pour le tout récent album de PHENIX, cela peut atteindre
des délais particulièrement alarmants... plus de deux mois dans le cas présent
(et deux pressages refusés). Ensuite, il faut quelques jours pour le faire
référencer dans les différentes bases de données des chaînes de magasins
françaises, puis un mois environ à nos représentants pour faire le tour de tous
leurs clients avant que le disque n'arrive partout où les disquaires auront bien
voulu "jouer le jeu". |
Comme tu le sais, il y a beaucoup de piratage. Penses-tu que si la
TVA était
moins élevée, il y en aurait moins ? |
Personnellement je le pense ;
même si dans le cas précis de BRENNUS et du style musical qu'il défend, le taux
de piratage est sans doute un des moins élevés. Dans un domaine musical comme
celui là, nous avons souvent à faire à des auditeurs passionnés, parfois même un
peu collectionneurs, qui préféreront très souvent l'original à la copie. |
Peux-tu nous dire combien coûte en moyenne un album et combien un groupe touche
par CD, ainsi que les intermédiaires ? |
Il y a un poste dont la
variante est très grande, c'est celui de la production en elle même. Le CD du
groupe "X" va leur avoir coûté 15 000 Euros en frais d'enregistrements alors que
le groupe "Y" l'aura réalisé dans le studio d'un amis qui ne les aura pas (ou
peu) fait payer. Les frais de pressages sont également différents en fonction du
nombre de pages et de couleurs du livret, de la jaquette, de la sérigraphie du
CD... mais ils se situent entre 1,20 et 2,50 Euros par CD. Les frais de SACEM (pour
les groupes qui y sont inscrits) sont environ de 0,80 Euro par CD. On ne peut
donc pas parler en terme de montant pour chacun des ayants droits, mais en terme
de pourcentage. Le groupe qui paye tout le CD (de l'enregistrement à la
fabrication) touche 60 % des recettes. Ce qui lui permet généralement de couvrir
ses frais d'enregistrement (mais pas systématiquement). Le distributeur qui paye
ses représentants, son personnel de facturation et d'expédition, les loyers de
ses locaux de stockage et de bureau, les frais d'expédition vers les disquaires,
les frais de promotion, etc... touche 40 % des recettes. Ce qui lui laisse,
après déduction de tous ces frais, quelques centimes d'Euro par CD vendu. Ces
deux pourcentages, dans le cas précis de BRENNUS sont calculés (pour la France)
sur la base de notre prix moyen de vente aux disquaires : 9,45 Euros. Le reste
du prix payé par "l'acheteur final" se partage entre les disquaires et l'état
(TVA). |
La scène metal en France a l'air de se réveiller, à ton avis à quoi doit-on
ce
phénomène ? |
Je crois que les mentalités sont en train de changer et que le public et les
médias sont plus attentifs à la scène locale qu'il y a quelques années. Le fait
aussi que plusieurs groupes français (souvent issus de BRENNUS) soient signés
par des labels étrangers, valorise aux yeux de tous la qualité du Metal made in
France. Je pense également que tout ce travail de fourmi que nous sommes
nombreux à effectuer dans différents domaines (groupes, labels, zines, radio,
organisateurs de concerts,...), très souvent en coordination et non en
opposition entre "concurrents", finit par porter ses fruits. Il reste toutefois
encore pas mal de chemin à parcourir. |
Que penses-tu d'Internet ? |
Très belle invention qui a ses bons côtés mais aussi ses pièges. Je n'en
retiendrai pour ma part que ses bons côtés, ceux qui m'ont par exemple permis de
dénicher des distributeurs pour BRENNUS dans divers coins du globe, ou de voir
des chroniques d'albums des groupes du label "lisibles" par le monde entier et
non par les seuls lecteurs de tel ou tel magazine national ou fanzine régional.
Je reste pourtant très attaché à la presse dite "papier" et lorsqu'un choix
s'impose pour des raisons budgétaires, c'est encore ce type de support que je
privilégie aujourd'hui. |
Et pour finir, un mot pour mes lecteurs ? |
J'espère tout simplement que tes lecteurs prendront autant de plaisir à lire
"Les Fils du Metal" que tu mets de passion à le réaliser. Avec des types comme "Taranis",
je sais pourquoi je me défonce pour la scène française depuis de si nombreuses
années. Soutenez les groupes français, et leurs supports : labels indépendants ,
fanzines, etc... ! |
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