Francis Frenoy fut guitariste
du groupe EXCESS. Il a accepté de revenir sur le passé et de répondre à quelques
questions.
Interview réalisée
en Août 2010 par Julien "Astra Wally".
EXCESS a été formé en juin 1983
par les frères Thouvenot et Patrick Nivesse. Comment sont-ils rentrés en contact
avec toi ? Tu jouais déjà dans un groupe nommé KRYPTON, tu peux nous en dire
plus ? Dans quel style de musique ce groupe évoluait-il ?
J'ai lu une annonce sur Enfer
magazine pendant l'été 1983, un groupe à Bourges cherchait un guitariste, ça ne
s'appelait pas encore EXCESS, c'est d'ailleurs moi qui ai trouvé le nom quelques
semaines plus tard.
Krypton? oui, c'était un groupe de copains dans l'Oise avec lequel j'ai fait mes
premières armes. On essayait de jouer du hard rock et on y arrivait des fois.
Toi-même, quand as-tu commencé à
écouter du hard/heavy et quelles sont les musiciens/groupes qui t'ont donné
envie de jouer d'un instrument ?
J'ai commencé très jeune, ayant un
frère de 10 ans mon ainé, il était plus "rock" mais il a bercé mon enfance avec
les Stones, Creedence, Led zep, Deep purple.
Au collège, j'ai découvert Rainbow, Thin Lizzy, Scorpions, etc...
Celui qui m'a donné le plus envie de jouer doit être Ritchie Blackmore, je
l'adorais.
Ensuite je suis tombé en 1980 sur la NWOBHM. Iron Maiden, Saxon, etc... C'était
la folie...
Alain et Jean-Louis Thouvenot
étaient déjà "âgés" quand ils ont formé EXCESS ? Avaient-ils déjà
composé des chansons avant que tu ne rejoignes le groupe, étant donné que tu es
devenu le principal compositeur par la suite ?
Ils jouaient principalement des
reprises comme U.F.O, Ted Nuggent et dès mon arrivée on s'est mis à composer. Mes compos leur plaisaient et c'était formidable.
Mars 1985, le groupe sort sa
première maquette, une demo trois titres enregistrée dans un studio 16 pistes à
Vendôme. Ta première expérience studio ?
Oui je crois.
La démo a-t-elle été
"commercialisée" ou vous
vous êtes contentés de l'envoyer aux différents labels ?
Tout ça est si loin mais
commercialisée, non, je ne pense pas. C'était surtout pour les labels et quelques
radios.
Aviez-vous déjà joué live avant de
sortir cette démo ? J'imagine que tout s'est accéléré à ce niveau une fois la
démo sortie ?
Nous avions fait notre premier
concert en 1984, mais cette démo nous a aidé en effet à trouver des concerts.
Le groupe décide ensuite de signer
un contrat avec la maison de disque française Dream Records. Pourquoi ce choix ?
Aviez-vous reçu beaucoup d'offres de contrat ?
A cette époque c'était la galère
pour trouver un label, je me souviens d'une proposition mais il fallait chanter
en français et c'était hors de question pour Jean-Louis.
Comment s'est passé
l'enregistrement studio ? C'est Renaud Hantson de SATAN JOKERS qui s'est occupé
de la production. Comment l'avez-vous rencontré ? C'était un choix du label ?
Je crois que c'est Dream records
qui nous a conseillé Renaud Hantson.
L'enregistrement s'est bien passé mais ça
n'a pas été si facile que ça.
Nous étions inexpérimentés, et jouer chacun notre
tour pour enregistrer était différent de jouer "live" et d'ailleurs le côté
"brut" d'EXCESS ne se ressent pas trop sur l'album.
L'énergie est passée un peu au
travers.
"Melting Point" est selon moi
un classique de heavy metal français. Mais quel fut l'accueil des médias et du
public envers cet excellent disque à l'époque ?
Nous avons eu quelques bonnes
critiques dans la presse. Je dirais que ceux qui découvraient EXCESS avec cet
album ont apprécié. Je serai plus mitigé avec ceux qui nous suivaient, certains
n'ont pas retrouvé dans l'album l'énergie qu'on avait en live, ni même celle de première maquette.
Pourquoi avoir adopté l'anglais
pour le chant ?
C'était une volonté de Jean-Louis
et nous respections son choix.
Combien d'exemplaires ont été
vendus ?
Je n'en ai aucune idée.
Le logo d'ENFER magazine apparaît
sur la cover du LP, peux-tu nous en dire plus à ce sujet ? C'était une sorte de
sponsor ou autre chose ?
Non du tout. Bernard notre manager
à cette époque doit le savoir.
Comment vois-tu ce LP aujourd'hui ?
Et avec le recul, que penses-tu du travail effectué par Dream (promotion, etc
etc) ?
C'est difficile. J'y vois plein de
défauts, mais à cette époque on était fiers du produit. Musicalement on a été
meilleurs par la suite. Pour Dream, je ne vais pas cracher dans la soupe 24 ans
après, il y a prescription.
Outre le départ de Patrick,
l'arrivée de Pascal Agnetti et ce titre "American woman" enregistré pour une
compilation locale, le groupe est resté assez discret jusqu'à la sortie du
video-clip "The fatal touch". Pour quelles raisons ?
Le départ de Patrick juste après
la sortie de l'album a été une dure épreuve. Privé de bassiste, EXCESS n'a pu
assumer la promo, les concerts... c'était le moment pour assurer et on ne pouvait
pas, pfff...
Ensuite, il a fallu du temps pour trouver le bassiste idéal et Pascal est arrivé.
Il est venu vivre à Bourges, il a bossé le répertoire, mais l'effet "Melting point"
était passé.
C'est à cette époque que le groupe à progressé et les compos étaient de mieux en
mieux, en partie grâce à Pascal, et on répétait chaque jour.
Jouiez-vous beaucoup live à cette
période ? Si oui, avec quels autres groupes partagiez-vous l'affiche ? Comment
étaient vos relations avec les autres groupes français de hard/heavy ?
C'est certainement l'époque la
plus sereine d'EXCESS. Jean-Louis n'avait pas encore ses problèmes de santé, on
est en 1987/1988. Là, nous faisons pas mal de concerts dans toute la France.
Bernard (manager) nous trouve des dates. Le groupe était bon.
On n'était pas liés avec les groupes français de l'époque. On se croisait dans les
concerts et les festivals et on revenait à Bourges.
Parlons un peu du clip vidéo "The
fatal touch", qui honnêtement, est vraiment très bon. Qui l'a réalisé ? Où a-t-il
été tourné ? Raconte-nous un peu cette expérience...
Ta question, c'est l'occasion pour
moi de rendre hommage à Bernard (manager). C'est lui (Jean-Louis aussi) qui a
trouvé les contacts, les filles, le château, les voitures, etc... Une partie a
été tournée au CRC de Bourges, c'est la partie live avec les projecteurs et tout.
Des commerçants de Bourges nous on aidé en échange de leur nom dans le
générique. J'ai retrouvé des infos en visionnant le clip à l'instant, alors ça
se passait au château de Pesselieres et le clip réalisé par M.I Production.
Pourquoi une vidéo avant même la
sortie du deuxième album ? Surtout quand on sait que vous décrochez un contrat
avec une maison de disque seulement un an après sa sortie je crois...
C'était une volonté d'avoir un
support vidéo pour nous faire connaitre, et à cette époque c'était quelque chose
d'important, il nous fallait donner une image professionnelle et crédible d'EXCESS
pour convaincre le milieu de la musique.
Aura-t-on la chance de voir un de
ces jours la partie interview de cette vidéo sur youtube ?
Pourquoi pas, je l'ai en vidéo.
Après une nouvelle maquette cinq
titres, quelques concerts et l'ajout d'un claviériste, le groupe signe un
contrat en décembre 1989 avec un obscure label barcelonais "Berman Internacional".
Pourquoi ce choix étrange ?
A l'époque de cette maquette, le
groupe avais bien progressé. Nous jouions ensemble depuis 5 ans, le travail
portait ses fruits. Pour "Berman internacional",
on désespérait de trouver un label et eux étaient intéressés, on n'a pas chipoté
et on a fait l'album.
"The fatal touch" est quasi
introuvable en version originale aujourd'hui. Te souviens-tu combien
d'exemplaires ont-été pressés ? L'album a été très mal distribué ?
Pareil pour la promotion j'imagine ?
Aucune idée, c'était le flou
total, la promotion je ne sais plus.
Comment ce disque a-t-il été reçu par
les médias et par les fans ? Je n'ai croisé aucune chronique dans les
magazines, fanzines...
Les fans étaient contents. Nous
étions encore à l'époque du vinyle et ce disque était la preuve matérielle que le
groupe avançait.
Pourquoi la moitié de l'album est
composé de titres de "Melting point" ? Je trouve ça dommage, surtout quand on voit
la qualité des nouveaux titres... était-ce dû à un manque de temps, d'argent,...?
Nous avions suffisamment de compos
pour faire un album, mais le label a préféré limiter la dépense d'un studio
en prenant les 5 titres de notre dernière maquette + 5 titres du premier
album.
Petite précision, nous n'avons
jamais touché un centime d'un label pour les ventes d'album.
Il existe une version cassette de
cet album il me semble, qui est sortie sur une autre maison de disque. Tu peux
nous en dire plus ?
Nous avions sorti une cassette
avec les titres de la maquette à des fins promotionnelles avant l'album, pas sur
un label à ma connaissance.
Vous n'avez jamais eu de problèmes
avec l'autre groupe espagnol EXCESS, qui a sorti un album "Princess of darkness"
quasi en même temps que votre "The fatal touch" ?
Non.
Une période sombre pour le groupe
commence. Les frères Thouvenot quittent le groupe. Comment as-tu vécu ce moment ?
Là, il faut préciser quelque chose.
Ce groupe, c'était toute ma vie. Certains membres avaient osé quitter leur boulot
pour se consacrer à fond à EXCESS. Je ne vivais que pour le groupe et quand il ne tournait pas rond, c'était plutôt déprimant car les années passaient.
Alain est parti à Montpellier. On a galéré pour retrouver un batteur et Jean-Louis commençait à avoir des problèmes de santé et donc de voix.
Terrible période pour tout le monde.
C'est Pascal Bailly de SQUEALER
qui remplace Jean-Louis au chant. Comment l'avez-vous rencontré ? Il jouait
toujours dans SQUEALER quand vous l'avez embauché ? Pourquoi ce choix ?
Avant Pascal Bailly, on est resté
2 ans sans chanteur. C'était dur mais on bossait nos compos comme des malades. On avait retrouvé un batteur, Manu et un clavier Christophe.
On a beaucoup
composé et beaucoup de titres étaient vraiment bons et bien construits. Tous ces
titres ne sont jamais sortis, sauf 3 sur le dernier CD avec Pascal Bailly. On
cherchait un chanteur, c'est notre manager qui a contacté Pascal Bailly. Il a
dit OK pour enregistrer le CD 3 titres.
C'est en 1992 que votre dernier
disque sort. Bon disque, beaucoup d'influences US, plus accessible que les deux
précédents mais trop court. Comment vois-tu ce MCD aujourd'hui ?
C'est le disque le plus abouti.
Musicalement le groupe était bon.
La section basse/batterie était
solide (Pascal/basse et Manu/batterie).
Mes guitares et les claviers
étaient en harmonie et le chant de Pascal Bailly est excellent sur l'album.
En plus le son était bon.
Il y a peu d'infos à son sujet... il
me semble que vous vous êtes chargés seuls de la distribution, du pressage, etc
etc ? Combien d'exemplaires de ce MCD existe-t-il étant donné qu'il est quasi
introuvable aujourd'hui ?
Ca a été un autofinancement. Il a
été fait en Suisse au studio Axis de Genève, enregistré et mixé par Jean Ristori
et Yorgos Bernardos.
Je ne connais pas le nombre d'exemplaires exact mais, une partie à été vendue et
l'autre à servi à la promo.
En quelle année le groupe s'est-il
séparé ? Pour quelles raisons ?
Le groupe s'est séparé en 1993. Une aventure qui a duré 10 ans.
La raison principale c'est qu'après beaucoup de
galères, on avait repris espoir avec le nouveau chanteur (Pascal Bailly), mais
hélas il est parti après la sortie du CD et ça a été le coup de massue de trop.
Ca a été douloureux de finir l'histoire.
Que sont devenus les membres du
groupe après le split ? Et toi-même ?
Personnellement j'ai quitté
Bourges après EXCESS. J'ai eu diverses aventures musicales par la suite, mais il
a fallu se reconstruire. C'était vraiment un deuil, une tranche de vie finie.
Pascal (bassiste) a rejouer avec des groupes. Manu je n'ai pas de nouvelles.
Es-tu resté en contact avec
ceux-ci au fil du temps ?
On s'est perdu de vue de
nombreuses années mais des contacts ont été repris quand même. Je reste très ami
avec Christophe le claviériste. Il est d'ailleurs le parrain de ma fille.
Il n'a jamais été question de
reformé EXCESS ?
En ce qui me concerne non.
Est-ce qu'il existe aujourd'hui
des titres inédits d'EXCESS ? Des enregistrements live, des démos inédites,...?
Beaucoup de morceaux créés entre
1988 et 1992 n'ont jamais été gravés. On les retrouve sur des cassettes de
répétition uniquement, c'est vraiment dommage.
Aura-t-on un jour la chance de
voir des rééditions officielles de vos albums ? Vous n'avez jamais été contactés
par des labels sérieux à propos de ça ?
Pour ma part non et je n'y tiens
pas. Cela appartient maintenant au passé. J'ai mis des titres en écoute gratuite
sur Youtube pour que ceux qui le souhaitent puissent découvrir EXCESS ou
réentendre le groupe et je ne veux pas entendre parler d'argent au sujet d'EXCESS.
Es-tu au courant pour la version
bootleg de Melting Point/The Fatal Touch ? Qu'en penses-tu ? Connaissant un peu
les agissements de ce label frauduleux, ils n'ont jamais pris contact avec toi
je suppose ?
Quelqu'un m'a envoyé un email pour
me dire qu'un album inédit était en vente sur ebay. Je me le suis procuré. J'étais très en colère et prêt à remuer ciel et terre pour demander des comptes
et puis j'ai réfléchi. Le produit est très bien fait (en fait c'est les deux
premiers
albums en un). Ca a dû couter pas mal d'argent à ceux qui l'ont produit et ça a
pu permettre de faire connaitre le groupe. J'ai laissé tomber l'affaire. Il y a
une faute sûrement volontaire à chaque nom des membres du groupe.
Est-ce que tu suis toujours
l'actualité metal aujourd'hui ? Quels sont les groupes actuel que tu apprécies ?
Oui bien sûr, j'aime bien des
groupes comme Children of bodom, Nightwish, Nevermore... mais il y a tellement de
bonnes choses qui ont été faites dans les années 80/90 que c'est encore ce que
je préfère et ce que j'écoute le plus.
On peut admirer tes talents de
guitaristes à travers tes vidéos youtube. N'as-tu jamais pensé monter un nouveau
groupe de heavy dans la lignée d'EXCESS par exemple ?
On peut me retrouver sous mon
pseudo "Scott Bis" sur
YouTube et
MySpace, mais également
Facebook où j'ai une
page artiste avec des compos et des vidéos.
Un groupe ? pourquoi pas..
Tes meilleurs souvenirs avec
EXCESS et les pires ? Des regrets ?
Beaucoup de bons souvenirs, des
moments rares où l'amitié, la musique et la création ne font plus qu'un et nous
font décoller et vivre une sensation très forte.
Les pires, je les laisse de côté, les regrets aussi.
Un dernier hommage à Alain et
Jean-Louis ? Une anecdote à raconter ? Un message à faire passer ? Finis cette
interview comme tu le souhaites. Un grand merci pour ta patience.
Alain et Jean-Louis étaient des
gens entiers. J'ai bénéficié de leur expérience et de leurs valeurs humaines. On s'est beaucoup apporté mutuellement, on a créé, on a rêvé, on a vécu.
J'avais repris contact avec Jean-Louis avant qu'il ne disparaisse. Je ne savais
pas qu'il était gravement malade, j'ai ressenti un besoin urgent de le
contacter, je lui ai envoyé mes compos faites dans mon home studio, ça lui a
fait énormément plaisir. On s'est envoyé des lettres et des coups de fil. Il est
décédé d'un cancer quelques temps plus tard. Dans ma tristesse, j'étais heureux
de l'avoir recontacté et de lui avoir fait plaisir pendant qu'il était encore
temps.
Je vais finir cette interview par une note optimiste. Un groupe, c'est une
aventure extraordinaire, surtout si on va tous dans le même sens, c'est l'école
de la vie, on touche à l'art, l'amitié, on y laisse des plumes mais on vit des
moments uniques.
EXCESS, ce n'était pas que des musiciens. C'était aussi une équipe de
techniciens compétents et dévoués : Eric, Denis, Yannick, Stéphane, Jean-Luc,
Jean-Patrick, Guitou et quelques autres au fil des années et des femmes qui nous
aidaient et étaient présentes à nos côtés.
Merci à toi.
Copyrights France Metal Museum
- Tous droits réservés