Malgré une qualité artistique reconnue par
les critiques, "Transition" le précédent album de VULCAIN, n’a malheureusement
pas rencontré le succès commercial qu’il méritait assurément. Pire, l’album
s’est moins bien vendu que les précédentes réalisations du groupe.
De plus le virtuose Frank Pillant, dont le travail remarquable n’était pas
étranger à la réussite de "Transition" a décidé de jeter l’éponge.
A la veille d’entrer en studio, les parisiens se retrouvent donc sans soliste et
certainement indécis. En effet, faut-il persister dans la direction musicale de
"Transition" quitte à perdre définitivement des fans ? Faut-il au contraire
revenir à une musique plus basique en bridant sa créativité ? Le groupe doit
donc négocier un tournant important de sa carrière et ce n’est certainement pas
dans la plus grande sérénité que "Big bang" a dû être enfanté.
Concernant le poste de soliste, le trio restant jette son dévolu sur un illustre
inconnu d’origine péruvienne : Marcos Arrieta.
Prendre la succession, d’un guitariste de la trempe de Frank Pillant n’est
certainement pas une mince affaire, mais force est de constater que le petit
nouveau s’en sort brillamment dans un style finalement très proche de son
prédécesseur ("Holiday").
J’en veux pour preuve les interventions du nouveau venu exécutées avec maestria
sur des titres tels que "Big bang", "Faut faire la guerre", "Rendez-vous",
"Regarde autour de toi" aussi bien en solo qu’en rythmique où l’on sent tour à
tour les influences des maîtres six cordistes que sont les VAN HALEN, VAI et
autres SATRIANI. Clairement un très bon choix que ce Marcos Arrieta.
Et qui dit similitude avec le jeu de Frank Pillant dit forcément similitude dans
la direction musicale et l'on constate effectivement que le groupe a choisi de ne
pas tourner le dos à ses aspirations et de persévérer sur la lancée de
"Transition". Certains titres seraient issus des sessions d’enregistrement de ce
dernier que ce ne serait d’ailleurs pas étonnant.
En effet, des morceaux tels que "Jimmy’s boogie", "Holiday", "Cher", "Over the dream" ou encore "Made in USA", soit une bonne moitié de l’album, s’inscrivent
dans la droite lignée de ce que le groupe nous proposait en 1990, tant au niveau
des textes beaucoup plus "légers" qu’au niveau de l’inspiration musicale.
Cependant, à l’aube des années 90, un évènement planétaire occupe les médias
du monde entier : la guerre du Golf. Un évènement dont les images nous vantent la
précision chirurgicale des bombardements tentant de nous "vendre" une guerre
propre qui épargnerait les vies civiles. Un sujet polémique qui ne pouvait
laisser insensible un Daniel Puzzio, qui va ainsi ressortir sa plume assassine
pour des textes pour le coup beaucoup moins "légers", plus en rapport avec la
froide réalité et du coup plus proche des premières heures du groupe que de
l’époque "Transition".
Et cela donne des titres tels que "Faut faire la guerre" ou "Sam" qui
traitent de la guerre et de la tentative de mainmise des USA sur le monde, mais
aussi des compositions abordant des sujets aussi différents que les classes
sociales ("Les valets crèvent pour les Rois") ou encore les hits parade ("(Top) Daube 50") avec des paroles engagées, révoltées, voire revendicatives qui
rappellent immanquablement l’époque "Desperados".
Ce sentiment se trouve d’ailleurs renforcé par le title-track "Big bang" dans
un registre beaucoup plus grivois en ce qui le concerne.
Vous n’y comprenez certainement plus rien, ici je vous dis que VULCAIN persiste
et signe dans le style de "Transition" et maintenant voilà que je parle d’un
retour aux sources. Mais voilà bien là tout le paradoxe de "Big bang", un
album qui a le cul entre deux chaises, tiraillé qu’il est entre une direction
artistique novatrice et plébiscitée par les rock critics sur "Transition" et
un retour vers une musique plus simpliste et heavy certainement commercialement
plus "rentable" car préférée des fans des débuts. Bref un album qui témoigne
explicitement de tous les doutes dont le groupe a du être assaillis à l’heure de
composer.
Seulement, au final, plutôt que d’avoir le meilleur des deux mondes, on obtient
un album qui n’arrive pas au niveau de "Transition" (car le groupe a
manifestement réfréné ses ardeurs musicales innovantes), mais qui n’arrive pas
non plus à récréer le côté spontané et "Rock’n’roll" sans fioritures d’un "Desperados" (le groupe ayant acquis un niveau technique bien supérieur à cette
époque et ayant tout simplement mûri).
Mais attention, si "Big bang" n’est certainement pas le meilleur album de la
discographie VULCAIN, ce n’est, selon moi, pas le plus mauvais non plus et il ne
mérite assurément pas le lot de critiques négatives que l’on peut lire à son
sujet ici et là.
Il contient réellement d’excellents morceaux, Marcos Arrieta y accomplit un
travail remarquable et Marc, Vincent et Daniel, les trois fidèles desperados sont
toujours techniquement irréprochables.
"Big bang" mérite selon moi d’être redécouvert, en ayant à l’esprit la période
dans laquelle celui-ci a vu le jour, et je pense que l’on a là, l’album le plus
"humain" et peut être le plus sincère que VULCAIN a pu nous donner car
reflétant cette période de doute pour le groupe quant à la suite à donner à sa
carrière musicale.
Finalement, c’est peut être cet album qui aurait dû s’appeler "Transition",
surtout quand on connaît la suite… mais ça, c’est une autre histoire.